L’émergence des nouvelles technologies a changé le rapport des hommes politiques à leur électorat. En lançant son nouveau réseau social, Donald Trump nous prouve que nous sommes bien entrés dans une nouvelle ère.
Créer l’alternative aux réseaux sociaux actuels
Après avoir été banni de Twitter, Facebook et YouTube pour avoir incité ses partisans à la violence lors de l’assaut mené contre le Capitole le 6 janvier 2021, Donald Trump a annoncé le lancement de son propre réseau social. Nommée « Truth Social », la future plateforme voulue par Donald Trump a été présentée par l’ex-président comme une alternative aux réseaux sociaux traditionnels.

Il affirme, dans un communiqué paru en octobre 2021, avoir créé Truth Social ainsi que le groupe Trump Media and Technology (TMTG) « pour résister face à la tyrannie des géants des technologies ». Les grandes entreprises de la Silicon Valley ont « utilisé leur pouvoir unilatéral pour réduire au silence les voix dissidentes en Amérique » avait-il ajouté. « Nous vivons dans un monde où les talibans ont une énorme présence sur Twitter alors que votre président américain préféré a été réduit au silence. C’est inacceptable ».
L’ex-dirigeant de la plus grande puissance mondiale revient donc sur la scène politique et médiatique en victime de la censure des géants de la Silicon Valley et pourfendeur du politiquement correct. Avec Truth Social, Donald Trump décide de remédier à un conflit qui oppose l’homme d’affaires aux GAFAM, une lutte qui oscille entre liberté d’expression et responsabilité politique.
Retrouver son audience… et son style installé sur Twitter
Son nouveau réseau social devrait lui permettre de retrouver une audience sur Internet. Il convient de rappeler que de tous les « exploits » signés Donald Trump, celui-ci est le plus incontestable : entre le début de sa campagne électorale en 2016 et la fin de son mandat en 2020, il fait « exploser » son compte Twitter, passant de 5 à 89 millions de followers en cinq ans ! Sur l’ensemble des réseaux sociaux, Donald Trump avait accumulé, au cours de son mandat, environ 150 millions de followers, ce qui le plaçait parmi les dirigeants mondiaux les plus suivis.
Au travers de son compte Twitter, Donald Trump a su développer une voix très individualisée, une voix qui a été renforcée par le nombre de tweets et la nature très répétitive et autoréférentielle de ses tweets.
Force est de constater qu’avec son utilisation des réseaux sociaux, Donald Trump a institué une nouvelle ère de gouvernance politique. Si l’utilisation d’Internet par Obama a été un moment fort, l’utilisation de Twitter par Trump est en soi une percée tout aussi importante pour les réseaux sociaux en politique. Média totalement nouveau dans la sphère politique, Twitter permet au président de se connecter personnellement avec ses partisans, de décrier ses adversaires et d’exprimer ses opinions politiques, le tout dans un même espace. Ce média a offert à Trump un accès constant aux individus et aux institutions, ce qui lui a permis d’éviter de s’adresser directement aux formes plus traditionnelles de médias, comme les journaux, la radio et la télévision, avec lesquelles il était souvent en désaccord. Cette hyper connectivité a eu un impact énorme sur la façon dont la présidence, en tant que fonction publique, a été capable d’affirmer son influence et d’attirer l’attention, créant une sphère d’informations complètement fixée sur chaque tweet du président.
Au travers de son compte Twitter, Donald Trump a su développer une voix très individualisée, une voix qui a été renforcée par le nombre de tweets et la nature très répétitive et autoréférentielle de ses tweets. Aucun autre président n’a autant dominé la presse que Donald Trump, en grande partie grâce à ses habitudes de publication extrêmement actives et à ses traits d’écriture grandiloquents.

La présence de Donald Trump sur Twitter n’avait rien d’un hasard. Sa présence sur les réseaux sociaux était intentionnelle et stratégique, ses messages étant collectivement incroyablement partageables. C’est ce qui compte en politique à l’ère de l’Internet, la capacité d’un candidat à pénétrer dans les foyers par le biais des télévisions, des ordinateurs, des téléphones portables, et plus encore. S’il est difficile de considérer que Donald Trump a réussi dans les domaines politiques qui ont traditionnellement façonné la présidence, son succès continu est dû en grande partie à sa capacité à naviguer dans le monde globalisé moderne. Quelle que soit l’évolution du reste de sa présidence, un aspect au moins restera constant : la présence active de Donald Trump en ligne a non seulement été déterminante pour sa présidence, mais elle façonnera et inspirera toutes les élections nationales ultérieures, tant que les réseaux sociaux régneront en maîtres.
Truth social annonce t-il une nouvelle ère de la politique en ligne
Les réseaux sociaux sont-ils la nouvelle agora du XXIe siècle ? Alors qu’autrefois, le rapport des hommes politiques à leur électorat se jouait entre eux, les grands médias et les citoyens. Aujourd’hui, les réseaux sociaux, en se glissant entre les citoyens, viennent perturber ce triangle où à présent, les réseaux sociaux et la politique entretiennent un lien étroit. S’ils offrent une audience large, ils permettent aussi une segmentation et répondent donc à une préoccupation constante des politiques : la proximité.
L’ex-président n’a encore rien dit sur une éventuelle candidature à la Maison-Blanche en 2024 mais il y a de fortes chances qu’il se représente, restant très populaire.
Donald Trump n’est pas le premier à avoir lancé son réseau social. En juillet dernier, son ancien conseiller, Jason Miller a quant à lui lancé Gettr et avant lui, Parler et Gab ont aussi été créés afin de se positionner auprès des sympathisants de l’ancien président comme garants de la liberté d’expression et afin d’échapper à la censure des réseaux sociaux grand public. L’ex-président n’a encore rien dit sur une éventuelle candidature à la Maison-Blanche en 2024 mais il y a de fortes chances qu’il se représente, restant très populaire.
Toutefois, il faut aussi souligner que l’interdépendance des réseaux sociaux et de la politique n’est pas une exception américaine. La campagne présidentielle française confirme que les réseaux sociaux sont devenus un canal incontournable de la communication politique. Depuis le début de la campagne, tous les candidats s’empressent d’investir les différentes plateformes numériques et applications en vogue pour polir leur image et faire circuler leurs idées. Incontestablement, les réseaux sociaux ne sont pas prêts de disparaître de la sphère politique. Et Donald Trump, qui en a compris tous les tenants, en ouvre peut-être une nouvelle phase.