Netflix, animation et intelligence artificielle

Le géant du streaming se trouve confronté à la fois à une concurrence des autres plateformes et à une limite de son modèle économique, la tentation de faire appel à l’IA dans la production d’animation va donc crescendo.

Un modèle économique en question

L’année dernière, Netflix a annulé de nombreuses séries d’animation en production (Dead End: Paranormal Park, The Midnight Gospel, Tuca & Bertie, Inside Job) et en développement (Bone et  Les Royaumes de Feu). Même les séries renouvelées pour une deuxième saison avec un succès critique, ne sont pas à l’abri des annulations, comme Tuca & Bertie. Pourtant, ces séries sont saluées par la critique et très appréciée des fans, et Netflix commence à souffrir de la concurrence des nouvelles plateformes de streaming.

Netflix fonctionne sur un système d’abonnement qui ne peut pas être exponentiel, et qui se fait lentement grignoter par la concurrence des nouveaux services de streaming

Courbe de l'augmentation des prix de l'abonnement NetflixLa raison de ces annulations n’a pas été donnée par Netflix, mais puisque ses séries ont été très appréciées, le problème du budget semble plus probable. Netflix fonctionne sur un système d’abonnement qui ne peut pas être exponentiel, et qui se fait lentement grignoter par la concurrence des nouveaux services de streaming comme Disney + (avec des prix défiants toute concurrence), HBO Max (même s’il connaît quelques difficultés), Paramount +, Prime Video… Pour pallier à cette baisse de revenus, Netflix penche même vers un changement de son système d’abonnement pour le limiter à un seul foyer, et éviter le partage de mots de passe. En bref, le modèle économique de Netflix semble s’essouffler.

Et même si elle a gagné ses lettres de noblesse ces dernières années, l’animation reste un médium difficile à produire et moins prisé du public adulte. C’est un médium cher, car il est impossible de créer une série d’animation à petit budget (une série d’animation nécessite en moyenne 200 artistes et animateurs). Les budgets pour une série d’animation sont de 10 à 12 millions d’euros pour 13 épisodes de 22 minutes et parfois beaucoup plus. On voit même que les plateformes concurrentes comme Disney + avec une histoire liée à l’animation la délaisse au profit de la fiction.

La relance par l’animation japonaise

C’est là qu’intervient l’animation japonaise. Très prisée par le cœur de cible adulte de Netflix, et en général moins cher (1,8 millions pour 13 épisodes), Netflix peut compter sur le succès de ses séries pour trouver et garder ses abonnés.

Ces modèles de génération d’image comme Stable Diffusion et Midjourney basent leur machine learning sur du contenu trouvé sur Internet, non-crédité et souvent carrément volé à des artistes qui n’ont pas donné leur autorisation

En conséquence, Netflix a racheté des studios d’animation japonaise afin de produire des animes comme Yasuke. Beaucoup espéraient que l’arrivée de Netflix sur le marché de l’animation japonais revaloriserait les salaires, mais c’est bien le contraire qui s’est passé. Lors de son arrivée au Japon, la plateforme proposait des salaires minimums, ce qui a outré les animateurs japonais, d’autant plus que Netflix n’est pas un petit producteur indépendant mais bien une plateforme internationale.

Mais alors, comment Netflix peut espérer créer de l’animation à moindre coût ? La réponse est le nouvel Eldorado de la création graphique : l’intelligence artificielle. Si cet outil impressionne parfois par la qualité de ces rendus qui ne coûtent rien, la réalité est que ces modèles de génération d’image comme Stable Diffusion et Midjourney basent leur machine learning sur du contenu trouvé sur Internet, non-crédité et souvent carrément volé à des artistes qui n’ont pas donné leur autorisation. Un plagiat à grande échelle, que dénoncent de nombreux artistes avec les hashtags #NoAIArt et #HumanArtists. Sur ArtStation, qui est une plateforme de portfolios en ligne, cette pratique a même été interdite.

Sous-payés, non-crédités, remplacés : Netflix semble faire peu de cas de ses animateurs.  Son dernier coup d’éclat ? Le court-métrage The Dog & The Boy, créé par son pôle Netflix Anime Creators Base et la société de production d’animation WIT Studio (L’Attaque des Titans, L’Enfant et le Maudit, Spy X Family), qui a utilisé l’intelligence artificielle pour générer les décors.

Netflix n’est pas un précurseur, et l’IA est déjà utilisée dans le secteur de l’animation pour automatiser les processus

Bien entendu, c’est un background artist humain qui en a conçu les esquisses et a livré le rendu final. Le hic ? Le générique indique les décors “AI + Human”, sans créditer les humains en question. Voilà les animateurs, déjà souvent crédités par le seul nom de leur studio, réduit au rang d’”humains” supervisant l’IA. Mais si ce court-métrage a fait grand bruit, il n’est que la partie visible de l’iceberg qu’est devenue l’animation assistée par l’IA.

Netflix n’est pas un précurseur, et l’IA est déjà utilisée dans le secteur de l’animation pour automatiser les processus comme la synchronisation labiale, et donc réduire les coûts salariaux. C’est notamment le cas de la série animée Kidaverse Fast Facts (en production), qui utilise l’intelligence artificielle pour générer le scénario (ChatGPT), les voix, le design des personnages et l’animation afin de limiter les coûts et d’accélérer la production. Pourtant, l’IA reposant sur du machine-learning ne pourra pas être copyrightée aux Etats-Unis.

Si les réactions négatives des artistes et animateurs sont nombreuses, cela n’empêchera pas Netflix et le milieu de l’animation de continuer dans cette voie pour espérer réduire les coûts et s’implanter dans le secteur de l’animation.

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