L’open data, nouvel outil de lutte contre le réchauffement climatique

Alors que le rapport du GIEC appelle à une réduction massive des gaz à effet de serre afin de limiter le réchauffement climatique, les objectifs de diminution des émissions françaises semblent inatteignables. En quête de justice et d’action, l’open data est alors devenu un outil indispensable pour les citoyens et les militants, obligeant les grandes entreprises à une transparence totale et exposant les personnalités peu concernées par cet enjeu mondial.

Greenwashing ou stratégie RSE, les entreprises s’obligent à partager leurs données

Apparu en 1995, le terme « open data » symbolise le libre accès des données, pouvant être utilisées et partagées librement. Figure pionnière dans ce mouvement, la France créé en 2011 le portail national d’accès à la data publique . Cinq ans plus tard, la « Loi pour une République numérique » est votée : elle encourage l’ouverture et la circulation des données et impose aux collectivités territoriales une transparence totale. Les grands groupes, non-concernés par cette obligation, s’intéressent eux-aussi à cet enjeu. Les entreprises soucieuses de leur image deviennent ainsi nombreuses à partager librement leurs données environnementales.

Par exemple, le groupe de luxe Kering développe depuis plusieurs années le portail EP&L, dans lequel il partage sa consommation d’eau ou sa production de déchets. Le géant de l’électricité Enedis possède lui aussi sa propre plateforme, créée durant la COP21. Sur celle-ci, l’entreprise affiche clairement ses données sur sa production énergétique.

Ainsi, d’après le logiciel français opendatasoft, l’engouement des citoyens et des associations face à ces solutions numériques va inciter les entreprises à une meilleure gestion de leur RSE.

« Il va devenir difficile dans les prochaines années de faire l’économie d’une plateforme d’expérience de données de ses impacts environnementaux accessible au plus grand nombre. »

Plébiscité largement par le public, les employés et les partenaires commerciaux, l’open data devient indispensable car la non-transparence des données se veut révélatrice des mauvais résultats des grands groupes. Poussées au partage, les données libres d’accès pourraient provoquer alors la transition écologique des sociétés qui ne respecteraient pas les objectifs fixés.

Quand les experts de l’open data deviennent lanceurs d’alerte

Conscient du pouvoir médiatique des communités numériques, les citoyens et les associations commencent également à souligner les comportements des personnalités influentes. Alors que l’Accord de Paris préconise de ramener individuellement ses émissions de CO2 à 2,3 tonnes d’ici huit ans, nombreuses sont les personnes publiques à avoir un bilan écologique désastreux.

« 1% des plus riches de la planète vont représenter 16% des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 (environ 70 tonnes de CO2 par an) tandis que 50% des plus pauvres rejetteront 1 tonne de CO2 chaque année ».

La transparence et l’accessibilité offertes par l’open data deviennent alors des instruments incontournables pour les lanceurs d’alertes, qui exposent les responsables du dérèglement climatique sur les réseaux sociaux. Ancrées dans ce mouvement militant, les plateformes de données aériennes sont alors utilisées dans le cadre du « Flight Tracking » afin de dénoncer les vols privés, qui rejettent dix fois plus de carbone que les lignes aériennes commerciales.

Passionné par l’aviation, l’étudiant américain Jack Sweeney créé le compte @ElonJet en 2020, qui répertorie automatiquement les vols d’Elon Musk grâce à la plateforme The OpenSky Network : appareil, trajet, temps, litres de fuel, émissions de CO2. Ce contenu a visée informative s’est rapidement révélé comme indispensable pour les internautes qui alertent sur les causes du réchauffement climatique. C’est notamment le cas lorsqu’en mai dernier, le compte suivi par plus de 475 000 personnes, annonce le trajet du milliardaire de San José (Californie) à San Francisco… d’une durée de 9 minutes. Le tweet est alors partagé massivement et devient médiatique, poussant même le CEO de Tesla a demander publiquement la fermeture du compte. L’étudiant refuse, lui rappelant qu’il ne fait que compiler des données déjà disponibles librement.

Partout dans le monde, des initiatives semblables ont rapidement vues le jour. En France, le compte Instagram @laviondebernard créé en mai 2022, suit l’ensemble des vols du jet privé de l’homme d’affaires et traque ses émissions de CO2. Suivi par plus de 52 000 abonnés, les créateurs de cette initiative partagent également un récapitulatif mensuel de la plus grosse fortune de France : en mai, le jet de Bernard Arnault a rejeté 176 tonnes de dioxyde de carbone, soit un résultat 1000 fois supérieur aux objectifs fixés par l’Accord de Paris.

Open data et écologie, des mouvements inconciliables ?

Rapidement devenu incontournable pour dénoncer les émissions carbone des entreprises et les comportements de quelques individus, le mouvement de l’open data pourrait-il se contester lui-même ? En 2021, le numérique représentait déjà près de 4% des émissions de gaz à effet de serre mondiale, quand en comparaison la même année, l’aviation constituait 2,5 % de ces émissions. Et dans un contexte de forte croissance des activités en ligne, il est certain que ce chiffre est voué à progresser, malgré les alertes des militants écolos.

Le stockage des données dans des data centers, représente à lui seul un quart de cette pollution et provoque un gouffre énergétique majeur. En démocratisant l’open data, les serveurs se remplissent à vitesse croissante et les projections de la part d’énergie consommée par le numérique augmentent fortement chaque année.

Concernées par l’impact environnemental du digital, de nombreuses études voient ainsi le jour afin d’alerter sur nos pratiques de stockage, révélant le paradigme engendré par ces interrogations. A quand des lanceurs d’alertes s’appuyant sur l’open data pour dénoncer l’empreinte écologique… de l’open data ?

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