La publicité, nouvelle cible des plateformes de streaming

Depuis le mois de novembre, les plateformes de streaming développent des offres d’abonnement incluant de la publicité pour le marché français. L’objectif est de conquérir de nouveaux abonnés face à une concurrence de plus en plus forte et un marché en berne.

La plateforme phare du streaming en ligne, Netflix, a décidé de rompre avec ses valeurs fondatrices, en lançant un nouvel abonnement comprenant de la publicité. Cette nouvelle offre lancée le 3 novembre et proposée au prix de 5,99€ par mois, permet aux utilisateurs d’accéder à la plateforme en contrepartie de l’affichage de publicités en pre-roll et en mid-roll (avant et pendant le visionnage des vidéos). Le fondateur de Netflix y était formellement opposé à l’origine. L’abonnement est proposé avec un contenu limité, une qualité de visionnage minimale et l’impossibilité de télécharger les programmes. Le but est clairement promu par la marque sur les réseaux : proposer une offre accessible “à chacun” à un tarif inférieur à celui des offres classiques.

Netflix a lancé son offre avec publicité le 3 novembre. (©Pixabay) https://pixabay.com/fr/photos/netflix-peliculas-youtube-digital-3733812/

Ce modèle n’a rien d’inédit. Des services comme HBO Max ou Paramount+ proposent déjà un abonnement similaire depuis l’année dernière aux États-Unis. Disney+ est sur la même lancée, avec une offre uniquement disponible aux États-Unis, appelée “Basic”. L’abonnement Disney intègre aussi de la publicité mais offre un accès complet au catalogue pour sa part. Un autre géant du streaming, Apple TV+ prévoit aussi d’adopter ce modèle dans les prochains mois.

Les plateformes en perte de vitesse

 Ces nouvelles offres sont pourtant le reflet d’une certaine baisse d’influence de ces plateformes, notamment de Netflix. Le site avait perdu plus de 200 000 abonnés au premier trimestre de l’année. Les fondateurs invoquaient alors une conséquence de la crise sanitaire et du déclenchement du conflit ukrainien qui avait fait tomber le marché russe. Cette chute a pourtant été confirmée le trimestre suivant, avec des chiffres parmi les plus bas dans l’histoire de la plateforme. La société cotée en bourse et de plus en plus endettée, fait face à un contexte difficile avec l’inflation croissante et la baisse de pouvoir d’achat qui en découle.

Netflix est aussi confronté à une concurrence effrénée avec une augmentation du nombre de plateformes.

Ce contexte change les habitudes des consommateurs. Ces derniers acceptent de plus en plus la présence de publicités sur leurs services pour réduire le coût des abonnements. Selon une étude eMarketer réalisée en mai 2022, plus de 39% des utilisateurs adultes américains de Netflix se disaient intéressés par cette nouvelle offre, alors qu’elle n’était pas encore disponible. Netflix est aussi confronté à une concurrence effrénée avec une augmentation du nombre de plateformes.

Même constat du côté de la néo-plateforme aux grandes oreilles qui enregistre ses plus mauvais résultats depuis son lancement, accusant la fin des mesures restrictives liées à la crise sanitaire. Disney+ a perdu plus de 1,5 milliards de dollars au cours des derniers mois. Le service du géant du divertissement compte sur ce nouvel abonnement “Basic” pour attirer de nouveaux abonnés et surtout diversifier ses sources de revenus grâce aux annonceurs.

La consécration d’un nouveau modèle, l’AVoD

Avec ces nouvelles offres, les géants du streaming s’appuient sur un modèle utilisé par des médiums plus anciens comme la télévision. Ils cherchent à s’accaparer les annonceurs de la publicité linéaire, qui perd de plus en plus d’efficacité. Les plateformes modifient ainsi leur modèle économique et se transforment en service de AVoD (Advertising Video On Demand, le fait d’accéder à du contenu à un prix raisonnable grâce à la publicité). Ces dernières reprennent le modèle de marché à double-versant qui permet à Netflix et aux autres, de collaborer avec un nouveau client, les annonceurs.

Pour proposer sa nouvelle offre publicitaire, le géant américain s’est d’ailleurs reposé sur les compétences techniques de Microsoft avec la signature d’un partenariat historique. C’est une tendance qui devrait se confirmer dans l’avenir puisque l’étude de eMarketer prévoit que plus de la moitié des utilisateurs de services en ligne devraient être des utilisateurs utilisant des services financés par la publicité.

Il existerait une réelle distance entre les audiences annoncées par le service et la réalité sur le marché français.

Pourtant, après le lancement récent de l’offre publicitaire de Netflix, les annonceurs se plaignent du système, jugé pas suffisamment développé. La plateforme de Reed Hastings est dénoncée pour son manque de transparence auprès des annonceurs. Elle ne leur donnerait pas accès aux données sociodémographiques précises de ses abonnés. La compagnie préfère communiquer sur un soi-disant respect de la vie privée, alors que les annonceurs accusent simplement Netflix de ne pas être prêt à les accueillir. Pire, il existerait une réelle distance entre les audiences annoncées par le service et la réalité sur le marché français. Philippe Bigot, directeur du département vidéo chez Havas Média affirmait dans une interview pour le Journal du Net que “leur offre ne prend pas assez rapidement auprès des français”. Un nouveau coup dur pour la plateforme qui compte sur ce nouvel abonnement et ce nouveau modèle pour équilibrer la balance.

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