Jouer pour se soigner : le serious game au service de l’humain

Ces dernières années, le jeu vidéo a connu une progression sans pareil. Loisir populaire pour certains, activité professionnelle à part entière pour d’autres, il est désormais incontestable que le jeu vidéo n’est plus uniquement un divertissement. Il s’empare de nombreux domaines pour permettre à l’utilisateur de les découvrir autrement. Le jeu vidéo comme outil pédagogique ? C’est le pari des « serious games », développés notamment dans le milieu de la santé.

Page d’accueil de la plateforme Ludoc Médic

Expliquer le cancer aux enfants et aux parents, prévenir des infections nosocomiales, voilà le type de jeux que le studio indépendant français CCCP développe. La société s’est lancée dans le serious game il y a quinze ans, et a créé il y a huit ans la première plateforme vidéo ludique médicale en France accessible gratuitement sur le web, LudoMedic.

L’expression du serious game se définit comme une « application informatique, dont l’objectif est de combiner à la fois des aspects sérieux (serious) tels, de manière non exhaustive, l’enseignement, l’apprentissage, la communication, ou encore l’information avec des ressorts ludiques issus du jeu vidéo (game) », selon Julian Alvarez, docteur en science de l’information et de la communication et fondateur du laboratoire Ludoscience, dédié à l’étude du jeu vidéo.

Un mode d’apprentissage ludique

Le serious game est un outil pédagogique efficace, puisqu’il combine le plaisir, les émotions et l’attention du sujet. Frédéric Forest nous explique l’intérêt du jeu dans cette démarche éducative : «Le serious game, il faut le prendre pour ses qualités : un jeu vidéo c’est interactif, c’est immersif. On peut créer des simulations incroyables où la personne essaye des choses, se trompe, et comprend en se trompant ». Le jeu permet ainsi de transmettre des informations et d’aborder des sujets plus sensibles sous le prisme du divertissement. Et les résultats sont éloquents : « Pour LudoMedic on avait placé des bornes de jeux dans plusieurs hôpitaux. A Kremlin Bicêtre, une étude en interne a été faite et ils ont pu voir que depuis qu’ils avaient installé la borne en salle d’attente avant de faire passer les enfants à l’IRM, ils ont diminué de 30% l’utilisation de sédatifs sur les enfants. »

Pour Frédéric Forest, directeur commercial et co-fondateur de CCCP, LudoMédic existe afin de faire de l’éducation thérapeutique, et ainsi « dédramatiser » des sujets de santé auprès des enfants, des parents mais aussi des professionnels de santé. Les jeux de LudoMédic ont tous pour objectif de sensibiliser le joueur. Ils se transforment en moyen d’information et participent à la gestion du stress comme le montre le jeu Lumine.

Vulgariser un savoir expert

Puisque ces jeux demandent des connaissances précises dans le domaine de la santé, qui les pensent et les construisent ? Le co-fondateur de CCCP nous explique qu’il s’agit en réalité de « co- design », entre le studio et le client : « Dans 99% des cas, le client est l’expert. C’est lui qui a l’expertise clinique. Nous, notre mission c’est d’extraire ces connaissances et la traduire en gameplay. »

Le studio va ainsi transformer tout ce contenu en mécaniques de jeu et en histoire. C’est un vrai travail de synthèse où le game designer se transforme en vulgarisateur, en s’emparant de la parole de l’expert et en la rendant plus digeste. Frédéric Forest considère cet exercice comme un « travail de traduction » du savoir médical en expérience jouable. Le but final est alors celui d’être le plus pertinent dans son interprétation. Pour ce faire, Frédéric Forest met en lumière le dialogue incessant entre le client et le studio : « Cela se traduit par beaucoup de discussions : dans leur approche du travail, dans leur relation avec les patients… Sur tout leur cheminement pédagogique utilisé habituellement. » Grâce à cet échange permanent, le jeu vidéo se construit en combinant expertise médicale et jouabilité.

Un public élargi et exponentiel

Sparx- Take control

Si le terme de serious game n’est pas encore connu par tous, la demande de ce type de jeux a connu une forte progression ces dernières années. Frédéric Forest explique cet engouement par l’intégration du jeu vidéo dans notre quotidien. Il y a quinze ans, la cible privilégiée pour les serious game était les enfants. Mais désormais ces enfants sont des adultes, et ont gardé cette familiarité avec le jeu : « Maintenant, jouer est naturel. On ne nous ferme plus la porte sous prétexte qu’on a dit « jeux vidéos » comme gros mot. » Grâce aux avancées technologiques et à cette nouvelle popularité, une multitude de serious game ont été développés pour détecter des pathologies, ou bien encore pour accompagner le patient et en faire un outil de soin complémentaire. C’est le cas notamment pour les maladies neurodégénératives, comme Alzheimer, où des jeux font travailler la mémoire. On les retrouve aussi dans le domaine de la psychiatrie, comme l’illustre parfaitement SPARX, un serious game néozélandais s’adressant à des adolescents présentant des symptômes de la dépression.

N’importe quel secteur de la médecine est désormais imaginable, le jeu peut être utilisé partout. La situation sanitaire actuelle pousse également à réfléchir sur cet outil : « La demande risque encore d’augmenter au sein des hôpitaux et des entreprises du fait du Covid. Toute la problématique de la formation digitale se posait déjà, mais là elle est essentielle puisque tout le monde travaille à la maison. » Par ailleurs, des jeux de prévention et de sensibilisation au virus ont déjà été développés, tels que Codroïd-19. Cette réalité montre que l’éducation thérapeutique, sous le prisme du serious game, n’a pas fini de se développer.

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