L’application mobile Clear Fashion, lancée en septembre dernier, propose de décrypter nos vêtements selon des critères environnementaux et sanitaires. Cette innovation n’est pas sans rappeler Yuka ou Open Food Facts, deux applis pionnières en matière de consommation alimentaire et cosmétique saine et responsable. Leur impact sur les industriels et la grande distribution n’est plus à prouver. Quid de la consommation vestimentaire ?
Avec ses 15 millions d’utilisateurs, Yuka parvient à faire bouger les choses du côté des industriels et de la grande distribution – rappelons qu’Intermarché a modifié 900 recettes jugées médiocres ou mauvaises sur l’appli. Clear Fashion, qui fonctionne sur le même principe que Yuka, semble en mesure de l’égaler dans le secteur de la mode. En effet, d’après leur étude, 90 % des consommateurs estiment ne pas recevoir suffisamment d’informations quant au coût humain et environnemental des vêtements. Disponible gratuitement sur IOS et Android, l’appli permet, avec un simple scan de l’étiquette, d’en savoir plus sur la fabrication du ces-derniers.
“On s’est rendu compte que c’était très difficile d’avoir des informations sur la façon dont nos vêtements étaient produits et ce qu’ils contenaient. Et dans le secteur de la mode, les marques restaient très opaques à ce sujet. On a voulu démocratiser l’accès à ces informations” Rym Trabelsi, Les Échos Start
C’est dans un souci de clarté et de transparence que Rym Trabelsi et Marguerite Dorangeon, anciennes étudiantes rémoises en ingénierie agronome, ont pensé le concept. Leur objectif ? Démocratiser la mode responsable, à l’heure où le respect de la planète et la santé sont au cœur des préoccupations. « L’application mobile pour choisir des vêtements respectueux de l’humain et de l’environnement », telle est leur ambition.
Comment ça marche ?
La méthode est simple : à l’aide de son smartphone, deux possibilités s’offrent à l’utilisateur. Scanner l’étiquette du vêtement ou renseigner lui-même les données dans l’application. Quatre notes, allant de 0 à 100, permettent d’évaluer l’environnement, la santé mais aussi le bien-être animal et le respect de l’humain, c’est-à-dire les conditions dans lesquelles il travaille. Une cinquième note juge l’éthique de la marque et un code couleur allant du rouge au vert résume le tout.
La notation est définie selon une méthode développée en collaboration avec des experts de la mode durable et de l’étiquetage environnemental. Les principes d’évaluation pris en compte sont clairement explicités sur le site de l’application. Sont notamment considérés les informations publiques des marques, les cahiers des charges de labels de responsabilité sociale, environnementale, sanitaire ou animale, ainsi que des sources d’analyses d’impact des matières et des risques sociaux.
Ainsi, soixante-dix marques sont d’ores-et-déjà répertoriées. Parmi elles, les plus illustres de la fast fashion (H&M, Mango ou Zara), en passant par le milieu et haut de gamme (Sézanne, Lacoste, Maje) ou le luxe (Louis Vuitton, Chanel, qui ne décrochent d’ailleurs pas les meilleures notes). À noter qu’une vingtaine de marques « ambassadrices » (Levi’s, Sandro, Petit Bateau…) se sont volontairement engagées dans une démarche de transparence avec Clear Fashion.
Un défi : la collecte des données
« Nous avons contacté beaucoup de marques. Certaines ont été très réactives. D’autres ne veulent absolument pas nous répondre », affirme Rym Trabelsi pour France Info. La collecte des données n’est effectivement pas une mince affaire dans un secteur où la confidentialité en termes de politique sociale ou environnementale est pourtant sommée à plus de clarté. L’équipe de Clear Fashion rédige des fiches d’informations qui sont ensuite renvoyées aux marques afin d’être complétées ou modifiées. Si certaines jouent le jeu de la transparence, d’autres ne communiquent aucune donnée. L’appli se voit alors obligée de considérer un potentiel risque, ce qui a pour conséquence l’attribution d’un 0/100.

Quel impact sur le secteur ?
Ce n’est un secret pour personne : l’impact de l’industrie textile sur la planète est considérable. Il s’agit même de la seconde plus polluante. Il faut 7500 litres d’eau pour fabriquer un jean, selon un rapport des Nations Unies.
« On doit pouvoir faire changer les choses. Le problème, c’est que l’on manque d’informations. » Marguerite Dorangean, co-créatrice de l’application. FranceTV Info
En 2019, une étude de l’Institut Français de la Mode montrait que les Français étaient 46% à avoir acheté un article de mode éco-responsable. Il s’agit donc pour Clear Fashion de répondre à une double problématique : soutenir et encourager les marques dont la production est responsable et faire évoluer l’achat dans le secteur de la mode en l’orientant vers l’acte militant.
Les consommateurs sont-ils prêts à cela ? Au vu des 4000 téléchargements de l’application enregistrés deux jours après son lancement, Rym Trabelsi n’émet aucun doute : “J’en suis plus que certaine. Nous devons juste les aider à demander des comptes aux marques” (Les Échos Start). Et plus les utilisateurs sont nombreux, plus la pression sur les marques est importante !
Après l’utilisation du smartphone pour une consommation alimentaire et cosmétique éclairée, nous pouvons maintenant nous pencher sur l’origine de nos vêtements depuis notre écran. Toutefois, cette initiative bien qu’intéressante et encourageante semble se heurter non seulement aux consommateurs désireux de bien faire mais peu enclins à véritablement changer leurs habitudes, ainsi qu’aux producteurs, conscients de la demande changeante mais qui restent plus que jamais attachés à un système de production préjudiciable.